Jabber à Centrale Lille

Après un article sur Jabber à l’université de Nantes et une interview de Maxime sur Jabber à l’INSA de Toulouse, voici une interview de vetetix aka Thomas Arnoux, qui a mis en place un service XMPP à l’école Centrale de Lille.

  • Peux-tu te présenter brièvement ?

Je m’appelle Thomas, mais je suis en général plus connu sous le pseudonyme « vetetix ». Je suis membre du RézoLéo, le club informatique des élèves de l’École Centrale de Lille.
Avec mon expérience dans cette association, je suis passé du statut d’utilisateur de Windows© et de MSN© ne connaissant rien d’autre à celui de Linuxien et libriste convaincu. Après avoir profité de l’expérience et des connaissances de mes amis pendant plusieurs années, j’essaie désormais de mettre à profit mes propres connaissances. En particulier, j’essaie de promouvoir l’utilisation des différentes technologies basées sur Jabber/XMPP.

  • Quand et comment as-tu eu l’idée de mettre en place un serveur Jabber dans l’École Centrale de Lille ?

Je pense que le mieux avant de répondre à cette question est de décrire l’environnement dans lequel évoluent le RézoLéo et les élèves.

La majorité des élèves de l’école habitent dans une résidence privée qui leur est réservée, ce qui nous permet de bénéficier d’une très grande souplesse dans les services informatiques que le RézoLéo offre aux élèves. Nous gérons ainsi l’ensemble du réseau interne, depuis la gestion de l’infrastructure matérielle jusqu’à l’administration des services avancés (portail des élèves, mailing list, etc.), en passant par les outils d’administration du réseau lui-même (DNS, DHCP, etc.). Nous disposons d’une dizaines de serveurs pour y héberger des services, ce qui nous permet de tester, et changer les services facilement.

Mais venons-en à ce qui nous intéresse ici : la mise en place d’un serveur XMPP. Il y a eu, en 15 ans d’existence de la résidence et du RézoLéo, plusieurs générations d’outils de communication en temps réel en interne. Un système basé sur Winpopup était utilisé par plus de 200 personnes (sur les 600 habitants de la résidence) autours de l’an 2000. Ce chiffre a été divisé par deux lors du passage à IRC quelques années plus tard, et diminue d’année en année depuis lors. Maintenant, une vingtaine d’élèves et une vingtaine d’anciens ou d’externes utilisent encore IRC sur son salon principal (#ec-lille@irc.rezosup.net).

Les élèves ne sont en effet plus intéressés par un serveur de discussion en groupe sans valeur ajoutée et relativement geek. Ils obtiennent tout ce qu’il souhaitent en utilisant des réseaux comme MSN© ou Facebook©, que ce soit les discussions en ligne ou d’autres interactions sociales. Devant le constat flagrant que IRC ne permettrait jamais de faire toutes ces choses, je me suis dit lancé dans l’installation d’un serveur XMPP.

  • Quels sont les contraintes ?

La contrainte principale était de pouvoir remplir les mêmes rôles que le serveur IRC actuel, c’est à dire être disponible à la fois de l’intérieur et de l’extérieur de la résidence, et d’être utilisable par les anciens élèves n’ayant pas de compte sur le serveur.

L’objectif étant d’offrir un service à forte valeur ajoutée, extrêmement adaptée aux besoins des élèves de l’école, il était nécessaire qu’il s’insère au maximum dans les services existants. Je pense principalement à l’utilisation de l’authentification sur un arbre LDAP, qui est déjà utilisé pour l’authentification sur un wiki interne et sur le portail des élèves. Nous y stockons de nombreuses informations sur les personnes, comme un profil plutôt complet pour le trombinoscope, la liste des clubs et associations dont ils font partie.

Nous pouvons ainsi simplifier la vie des utilisateurs en ayant une gestion centralisée des informations.

  • Quelle démarche as-tu adopté pour convaincre les décideurs ?

Il n’y a pas vraiment de décideur, le service sera définitivement adopté s’il convainc de sa supériorité sur son concurrent actuel. Il m’a suffit d’installer un serveur XMPP sur mon propre ordi pour faire des premiers tests, puis ensuite de demander à disposer d’une machine virtuelle dédiée et demander les réglages du réseau pour qu’il remplisse d’emblée la plupart des conditions requises.

  • Quelles solutions techniques ont été choisies et pourquoi ?

J’ai rapidement regardé les différents serveurs XMPP existants, en essayant d’en trouver un qui soit assez complet et qui s’améliore avec le temps. Nous disposons de nombreux membres largement assez compétents pour administrer ou installer un serveur un peu complexe, mais n’avons quasiment aucune compétence en développement, il fallait donc choisir un serveur bénéficiant d’un développement actif.

Après avoir testé Jabberd2 et Openfire, mon choix s’est arrêté sur ejabberd, qui offrait de nombreux modules dès l’installation, ainsi qu’un support et une communauté actifs. Jabberd2 (et Jabberd14) ne m’a pas convaincu car il est plus complexe à installer est administrer, et ses composants manquent d’uniformité. Openfire, de son côté, semblait trop intégré, rigide. Du haut de mes faibles connaissances à l’époque, ejabberd me semblait le plus équilibré entre souplesse et puissance.

  • Quels services sont offerts à ce jour ?

À l’heure actuelle, nous n’avons pas encore atteint tous nos objectifs, principalement en terme d’intégration avec les services existants. Nous avons tout de même les services de base, avec authentification centralisée par LDAP, module de discussions en groupes (MUC) avec accès aux logs des salons et à deux clients web via un serveur HTTP.

  • Quels sont les problèmes que vous rencontrez à l’heure actuelle ?

D’un point de vue technique, nous souffrons de la qualité du réseau. En effet, nous sommes dépendants du réseau à l’extérieur de la résidence (pour rendre le service accessible aux extérieurs). Le réseau est victime de coupures intempestives en journée, et les clients et serveurs XMPP gèrent assez mal le problème. Les participants à un salon de discussion ne sont pas prévenus de leur déconnexion, le salon non plus, ce qui est très gênant. IRC gère le problème des déconnexions (entre les serveurs d’un même réseau) bien mieux, et forcément les ircistes nous le rappellent :-)

Nous sommes aussi dépendants de la gestion des DNS de l’école (notre réseau est lié à celui-ci), nous devons donc nous adapter à ce qu’on nous offre, avec ses qualités et ses défauts (délais de modifications de la configuration, mauvaises configurations malgré des mois de demandes incessantes, etc.). Le principal est tout de même que nous arrivions à contourner les problèmes pour faire fonctionner notre service.

  • Une extension de services est-elle prévue ?

Nous continuons activement à faire évoluer le service. Bien évidement, nous travaillons sur l’intégration de la vCard et des « Shared Roster » avec LDAP (nous allons profiter d’une refonte de notre arbre qui va le rendre plus conventionnel, pour ainsi régler les problèmes d’incompatibilité entre ejabberd et notre arbre « fait maison »).

Nous suivons aussi les évolutions des autres serveurs, et nous intégrons les améliorations qu’ils proposent. Je suis ainsi en train d’installer Omnipresence et d’intégrer les informations disponibles dans le trombinoscope. J’essaye de plus de développer un service s’appuyant sur le serveur XMPP pour partager des fichiers de manière privée au sein des associations ou des groupes projets, voire de manière globale à l’intérieur de la résidence. En effet, c’est un des services les plus populaires à l’heure actuelle, il pourrait être intéressant de s’en servir pour promouvoir le serveur XMPP.

  • Comment est publicisé le service dans l’école ? Comment est-il perçu ?

La communication se fait via plusieurs moyens. Tout d’abord des affiches placardées dans la résidence et les couloirs de l’école, ensuite des e-mails envoyés de temps en temps à tous les élèves pour leur rappeler l’existence du service et en vanter l’usage dans diverses situations. Pour finir, nous essayons aussi de profiter du bouche à oreille, mais ce n’est pas toujours très efficace.

Il nous faut surtout gérer deux types de communication : celle destinée aux utilisateurs actuels d’IRC, et celle orientée vers les élèves qui n’ont jamais utilisé ce genre de service et qui ne connaissent que Facebook© ou MSN©.

  • Possèdes-tu quelques statistiques ? Notamment le nombre d’utilisateurs actifs ?

Je n’ai pas de statistiques exactes, mais on a à peu près une quinzaine de personnes, principalement des membres du RézoLéo, qui utilisent le service régulièrement. C’est très faible comparé aux 600 utilisateurs potentiels, mais on peut facilement relativiser cet « échec » en le comparant à la popularité d’IRC, qui n’a qu’entre 20 et 30 adeptes à la résidence.

Entre les IRCistes qui refusent de faire le changement, et les 550 élèves qui ne connaissent pas le service, on a du mal à le rendre plus utilisé. Je reste tout de même confiant, je fais du lobbying pour qu’on se débarrasse d’IRC et pour que les autres membres du club s’investissent pour améliorer le service. Le jour où on aura entre 50 et 100 utilisateurs actifs à l’intérieur de la résidence je considérerai que le service est une réussite.

  • Quelle est la consommation de ressources ?

Je n’en ai absolument aucune idée (je suis un très mauvais administrateur de serveur, et je ne sais pas utiliser la commande « top » :D). Plus sérieusement, ejabberd est installé sur un serveur virtuel disposant de 256 Mo de RAM et nous n’avons aucun problème de consommation. Avec seulement une vingtaine d’utilisateurs simultanés, nous n’avons pas besoin de plus.

  • Quels sont les points positifs ?

Nous avons de bons retours de la part des nouveaux utilisateurs, qui comparent le vieillissant IRC à ce nouveau service disposant d’avatars, de vCards, de couleurs et d’émoticones. Ce ne sont bien évidemment pas des arguments qui convainquent les IRCistes, qui remarquent plutôt les défauts des clients XMPP.

J’ai aussi, je crois, réussi à montrer aux autres membres qu’il existe des moyens d’enrayer la désertion progressive du service de discussion interne, il faut juste s’en donner les moyens et intégrer les différents services pour créer une forte valeur ajoutée.

  • Quels sont les axes d’amélioration ?

Nous avons entre nos mains une bonne base, et le pouvoir de jouer sur tout ce qui est stabilisation, amélioration et ajout des services. Malheureusement, nous ne maîtrisons pas le développement des clients (je m’y suis mis, mais ce n’est pas gagné), donc nous encourageons les développeurs à maintenir leurs efforts. C’est en effet la critique principale qui est faite à Jabber, donc nous espérons que la situation s’améliorera, surtout sous Windows© et MacOS©. La sortie récente de Gajim 0.12 nous redonne espoir.

  • Les autres écoles du groupe Centrale (Paris, Lyon, Marseille, Nantes et Pékin) vont-elles suivre ? Avez-vous engagé des démarches à ce sujet ?

L’initiative à Lille était vraiment personnelle et n’a pas fait l’objet de concertation, ni de communication avec les autres écoles. C’est d’ailleurs l’avantage du réseau XMPP, les différents nœuds sont indépendants, contrairement à IRC. Dès que nous aurons un service vraiment convainquant, nous contacterons les différents responsables pour leur en faire la pub et leur proposer de l’adopter à leur tour.

En attendant, je suis en train de chercher des services d’autres serveurs que nous pourrions ajouter dans notre « Service Discovery », en particulier les modules de MUC.

Merci Thomas !

Mon petit doigt continue à me dire qu’il y a encore d’autres services Jabber dans les écoles et universités… Toujours à suivre…

7 commentaires sur “Jabber à Centrale Lille

  1. Ça tombe très bien, ce témoignage: Maintenant que l’assoce Librsite de mon école va avoir un serveur dédié, on envisageait de lancer un Jabber !

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  2. Comment ça on va mettre Jabber ? :p
    Moi je dis qu’on va se faire enfoncer par l’assoce de com. (référence manquante)

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  3. Aha la star! Vetetix, comment as tu réussi à faire des réponses si courtes ^^ ?

    ——
    Un « irciste » que vetetix a fait passé sous jabber.

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